11 juin 2024

Conseil en gestion de patrimoine : la digitalisation devient incontournable

La transformation digitale est au cœur du mouvement de consolidation des grands groupes. Loin de se substituer aux liens directs avec les clients, la digitalisation permet de se débarrasser des tâches chronophages au profit du contact et du conseil à valeur ajoutée. Si les petites structures sont en retard par rapport aux grands groupes, elles progressent aussi rapidement et peuvent s’appuyer sur des solutions clés en main.

Tous les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) peuvent en témoigner, la digitalisation est devenue en quelques années « cruciale, stratégique, incontournable…», selon les termes employés par Yann Pelard, directeur des opérations chargé du Pôle CGP du Groupe Premium. Même discours au sein du groupe Crystal. « Nous avons réalisé ces 4 dernières années pas moins de 26 opérations de croissance externe et une transformation digitale d’envergure », affirme Benoist Lombard, directeur général délégué du groupe Crystal et président de Maison Laplace. Si les CGP mettent traditionnellement l’accent sur la relation directe avec le client, les besoins et les attentes de ces derniers se transforment. « Les jeunes générations affichent un appétit marqué pour les applications et la digitalisation, et si les clients plus matures préfèrent souvent des relations directes en présentiel, ils s’attendent tout de même à ce que certains process, comme la signature électronique, soient automatisés », détaille Yann Pelard. Cette évolution modifie radicalement les débats autour de la digitalisation/automatisation du conseil en gestion de patrimoine. Il y a quelques années encore, ces derniers tournaient principalement autour des robo advisors, ces algorithmes qui permettent de déterminer une allocation d’actifs. Force est maintenant de constater que ces outils sont finalement peu utilisés. « Les robo advisors sont utiles pour élaborer des allocations à partir d’ETF, mais les CGP proposent généralement des offres plus complètes avec des SCPI, des fonds en euro, des produits structurés et nécessitent donc d’autres outils », explique Jean-Philippe Robin, directeur commercial chez Harvest. La digitalisation s’inscrit en effet dans des problématiques plus larges : elle sert d’outil d’aide à la décision en matière d’investissement, mais aussi et surtout à développer l’efficacité opérationnelle et le service clients. « Nos outils digitaux libèrent du temps à nos conseillers et nous permettent de déployer efficacement le conseil à haute valeur ajoutée que nous prodiguons à notre clientèle », résume Benoist Lombard. Les développements informatiques au sein des cabinets intéressent ainsi toute la chaîne de valeur.

Toute la chaîne de valeur concernée 

Dans le détail, la digitalisation est utilisée pour remplir les obligations réglementaires vis-à-vis de la connaissance du client, de ses besoins, pour appliquer les vérifications liées à la législation anti-blanchiment, etc. « Les contraintes réglementaires s’accumulent sur l’activité de conseil; à chaque étape de la relation avec les clients, des process spécifiques doivent être mis en place et ils doivent être cohérents et en conformité avec les textes », relève Yann Pelard. Elle sert ensuite dans l’élaboration du conseil. « Nous disposons, dans le groupe, d’outils de simulation et d’analyse pour réaliser des bilans patrimoniaux, des audits fiscaux ou encore intégrer les préférences ESG des clients », poursuit Yann Pelard. Elle aide aussi à sélectionner les produits. « Il convient, une fois l’allocation d’actifs définie, de trouver les supports adéquats et qui permettent une véritable diversification, prévient Jean-Philippe Robin. Le CGP doit également régulièrement vérifier la pertinence de son conseil face à des besoins qui peuvent évoluer ». Pour entretenir le lien, la plupart des grands groupes ont développé des applications sur mobile et multiplient les notifications et les reportings vis-à-vis des clients. Enfin, et ce chantier est complexe, il convient d’établir des connexions entre les acteurs du marché. « La question de l’interopérabilité entre les systèmes constitue un sujet central, il est nécessaire de pouvoir connecter les systèmes afin d’instaurer un parcours fluide et simplifié entre les compagnies d’assurance, les producteurs de solutions financières et les CGP », souligne Laurent Ovion, directeur innovation du groupe DLPK, propriétaire de la marque Nortia. 

Des besoins spécifiques selon la taille

Si tous les acteurs sont concernés par ces évolutions, les grands groupes possèdent des besoins spécifiques, notamment en matière de reportings clients et vis-à-vis des fonds d’investissement qui figurent au capital. Ils commencent aussi à s’intéresser à la gestion des données pour en déduire de nouveaux services clients en mobilisant notamment l’intelligence artificielle (IA). « Nous intégrons l’IA à tous nos raisonnements; il est important pour nous d’être en avance du point de vue technologique et de développer des process innovants », poursuit Yann Pelard. Outre l’analyse des besoins des clients, l’IA sert aussi à harmoniser les systèmes lors des fusions. « Développer des synergies suppose de s’appuyer sur les mêmes outils, relève Yann Pelard. Par ailleurs, lors de l’intégration de nouveaux cabinets, il faut faire migrer l’ensemble des données sur un outil commun. Cette étape est délicate et suscite toujours de la déperdition qui peut être optimisée grâce à l’IA ». Toutefois, il ne s’agit pas d’une solution miracle. « Il faut bien définir les cas d’usage, rappelle Laurent Ovion. L’IA est pertinente pour compléter des dossiers, récupérer des données, mais elle se trompe, et les conséquences d’une erreur peuvent être importantes dans des métiers très réglementés ». Autre spécificité : les grands acteurs cherchent souvent à développer leurs propres outils. « Nous utilisons, comme la majorité des acteurs du marché, les outils d’Harvest, mais nous développons aussi de nouvelles fonctionnalités en interne », précise Yann Pelard. Même approche au sein du groupe Crystal, qui emploie maintenant 25 collaborateurs spécialisés sur l’IT et a recours à des ressources externes. « Nous souhaitions développer nos propres outils digitaux sur la base de nos besoins transversaux, avance Loïc Bocher, directeur du marketing et du digital du groupe Crystal. Notre mutation digitale vise à offrir non seulement à nos clients une expérience enrichissante, mais aussi à utiliser la data au service de nos conseillers ». Les fournisseurs externes de solutions insistent quant à eux sur le coût d’une telle stratégie. « Nous investissons massivement depuis une dizaine d’années dans les nouvelles technologies avec un budget qui se chiffre en million d’euros », prévient Laurent Ovion. Les prestataires disposent aussi d’équipes importantes. « Nous employons 500 collaborateurs, dont des experts dédiés à la cybersécurité », relève de son côté Jean-Philippe Robin. 

Article Funds Magazine, par Sandra Sebag, le 11/06/2024
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